J-08 vers mes 40 ans

Introduction

Je parle rarement de mon passage à la DPJ. Pas par honte, ni pour l’oublier — mais parce que j’ai longtemps eu peur que ce chapitre prenne toute la place et fasse de l’ombre à tout ce que je suis devenue ensuite. C’était peu après la séparation de mes parents, en secondaire 4 : entre deux mondes, ni enfant, ni adulte. Une période floue, instable, qui laisse des traces — pas seulement de douleur, mais de sensibilité, d’empathie… et d’attention aux petits gestes.

Entre deux mondes

Quand ta famille éclate à cet âge, tu as l’impression d’exister partout et nulle part. Le « système » décide parfois où tu dors, où tu « fits », alors que toi-même tu ne sais plus où est ta place. Avec le recul, je vois ce que cette période a forgé en moi : une capacité à remarquer les détails qui réparent — un regard, une phrase, une seconde de présence.

Ce que je n’ai jamais oublié, ce sont les personnes qui, sans le savoir, ont mis une petite lumière dans une nuit trop longue.

La force construite par les autres (sans qu’ils le sachent)

Oui, j’ai eu de la chance — surtout celle qu’on crée en avançant. Mais cette force ne s’est pas construite seule. Elle s’est bâtie sur des micro-moments offerts par d’autres : un bonjour sincère, une écoute qui ne juge pas, quelqu’un qui te parle comme si tu comptais. Ces petites preuves qu’on n’est pas invisible deviennent des points d’appui pour tenir, encore un peu.

« Pay it forward » : redonner ce qu’on aurait voulu recevoir

Je crois que lorsqu’on atteint un certain succès, cela devient presque un devoir moral d’aider. C’est pourquoi j’ai accepté d’être porte-parole du Défi 12 heures de nuit de la Fondation du Centre jeunesse de la Montérégie. Je ne leur avais jamais raconté ce pan de mon histoire — je l’écris ici. Cette cause me touche parce que je sais, non en théorie mais en souvenirs, ce que c’est d’attendre que la vie soit douce, ne serait-ce qu’un peu.

Et aujourd’hui, je me lance sur un FKT du Tour de Laval (77 km) pour eux. Pas pour raconter mon passé, mais pour rappeler à quel point nous sous-estimons les petits gestes.

Ce que retient un jeune pris en charge

On se souvient rarement des grandes interventions. On se souvient des détails :

  • un regard qui ne catalogue pas,

  • une phrase d’encouragement,

  • une personne qui prend une seconde de plus.

Ces miettes de lumière changent une journée — parfois une trajectoire.

Comment être cette petite lumière (concrètement)

  1. Voir, nommer, valider. « Je te vois. Ce que tu vis est réel. »

  2. Parler avec respect. S’adresser à la personne, pas au « dossier ».

  3. Offrir un “encore un pas”. « Tiens bon. Je suis là pour un petit bout. »

  4. Donner du temps “court mais vrai”. Une minute d’attention pleine vaut mieux qu’un long faux-semblant.

  5. Rappeler une capacité. « Tu as déjà traversé des choses. Tu es plus solide que tu penses. »

  6. Relier à une ressource. Un contact, une activité, un endroit où revenir — et s’assurer du suivi.

  7. Tenir la promesse la plus petite. Mieux un petit engagement tenu qu’un grand oublié.

Si tu as traversé, toi aussi

  • Tu n’es pas défini·e par ce chapitre : il fait partie, il ne fait pas tout.

  • Tu as le droit de parler… et le droit de garder pour toi.

  • Tu peux faire de ton histoire une force tranquille : celle qui sait reconnaître la lumière chez les autres.

Conclusion

On n’a pas besoin d’être un héros ni de tout changer. Un sourire, un bonjour, un « tiens bon, je suis là » peuvent ouvrir une fissure dans un mur. On ne sait jamais quand on devient le souvenir qui aide quelqu’un à tenir. Ne sous-estimons jamais l’impact d’un petit geste — parfois, c’est exactement ce qui sauve.

Crédit photo : Défi 12 heures de nuit 2025